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vendredi 1 février 2019

Critique de film_3



         El Verdigo est un film Luis García Berlanga réalisé en 1963. Il s'agit de l'histoire de José Luis Rodríguez, un employé des Pompes Funèbres en Espagne, à l'époque du franquisme, qui est contraint de devenir bourreau. En effet, il s'oppose à la peine de mort encore en vigueur, préférant que chacun meure de façon naturelle « en su cama ». Seulement, il s'éprend de la fille du bourreau de la ville et, pour des questions financières, il doit reprendre le travail de son beau-père.




         À travers son histoire se dessine avant tout une réflexion autour de la peine de mort et de sa légitimité à cette époque. De fait, le métier de bourreau apparaît comme méprisé par certains, craint par d'autres, et dans l'ensemble, il est comme mystifié (la première fois que le mot est prononcé, il est chuchoté : c'est un sujet tabou). Cela porte à croire qu'à travers ce métier, la peine de mort n'est pas tout à fait acceptée de tous. Pourtant, rien n'est fait pour y mettre fin. Bien au contraire, il semble que la chose soit masquée par la bonne humeur et la légèreté véhiculées par l'atmosphère estivale qui règne. Toute la population semble fermer les yeux sur ce qui a lieu, tandis que José Luis, qui pourrait symboliser un espoir par son opposition à la pratique, fait preuve de plus en plus de lâcheté, allant même, pris de panique, jusqu'à demander qu'on le remplace par Amadeo, le bourreau précédent. C'est ce même personnage, José Luis, qui permet une seconde réflexion.

         Car El Verdugo invite aussi à une remise en question de la société. Tout d'abord par la passivité dont celle-ci fait preuve face à la pérennité de la peine de mort ; mais également par la pression qu'elle exerce sur ses membres. En effet, José Luis a un rêve : partir en Allemagne pour devenir mécanicien. Mais il est contraint d'y renoncer pour se marier (contre son gré, comme le montre la pesanteur qui accompagne la cérémonie) et, pis encore, pour devenir bourreau. Se faisant, il abandonne ses convictions pour le confort en acceptant un meilleur logement. La société le domine, ce que le spectateur remarque à travers l'infantilisation dont il fait l'objet par ses supérieurs sur le mode patriarcal (son beau-père, « comporte-toi en homme ! ») et hiérarchique (le directeur de la prison). Mais c'est à la fin du film que sa position de victime devient évidente, alors qu'il est contraint d'exécuter un homme. Durant cette célèbre scène, il est impossible de distinguer le condamné du bourreau qui, lui aussi, est encadré et contraint d'avancer par des agents. José Luis représente donc la jeunesse, dominée par la société franquiste ; en cela, il est proche du personnage d'Amadeo.

         Amadeo est un personnage en âge de partir à la retraite, serein, rompu à l'exercice de son métier. La mort semble presque banale pour lui, comme le montre la scène dans laquelle, assis sur un véhicule de transport de bagages à l'aéroport, tout en parlant, il s'appuie sur le cercueil d'un défunt, tandis que la famille court derrière le véhicule. Cette scène comique banalise complètement la mort et lui enlève son caractère solennel. Mais c'est lors de la dernière scène du film qu'il incarne réellement la figure d'une société résignée lorsque, revenu de sa première exécution, José Luis annonce qu'il ne recommencera plus jamais, et que lui répond qu'il avait dit la même chose la première fois. Ici, symboliquement, la morale est remplacée par le conformisme.

         Finalement, El Verdugo est un film riche et touchant, porteur d'un message à la fois fort et subtil, et toujours d'actualité.

Jazz R. (LS1)

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