Hola a todos, estudiantes de ayer, hoy y mañana...

Bienvenido/a en el blog dedicado a la enseñanza del castellano en clases preparatorias del Instituto Saint-Exupéry de Mantes-La-Jolie. Abre los ojos y lo encontrarás todo: programas de literatura y civilización, enlaces para artículos, vídeos o fotogalerías, consejos de lecturas, ideas para ver películas o escuchar música, proyectos culturales a gran escala, diarios y testimonios de estudiantes, sin olvidar unas correcciones...

vendredi 30 septembre 2016

El callejero de Madrid



L’Histoire revient toujours tel un boomerang. Où l’on reparle de « franquisme insconscient » : 256 rues au centre d’un imbroglio politico-médiatique…




Après les couacs concernant le projet de remplacer sur la Plaza de la Villa Alvaro de Bazán (marin, humaniste, joueur d’échecs, mécène, passionné de maniérisme et occasionnel vainqueur des Turcs à Lépante !)  par Enrique Tierno Galván ; le retrait d’un monument à la gloire de José Calvo Sotelo, le leader monarchiste dont l’assassinat le 13 juillet servira à légitimer le Coup d’Etat du 17 et 18 juillet 1936 et achèvera de convaincre le général Franco de se rallier au projet de Mola et de la plaque hommage à des prêtres assassinés retirée plus réinstallée au cimetière de Carabanchel, la municipalité conduite par l’ancienne juge Manuela Carmena, une républicaine à la tête de la Plateforme « Ahora Madrid », a encore fait parler d’elle.


Difficile en effet de ne pas suivre le feuilleton autour des symboles franquistes et notamment des noms de rues et places de Madrid (« el callejero ») et les hésitations de Carmena qui avait pourtant bien promis d’appliquer la loi de 2007 en effaçant tous les hommages aux militaires et aux politiques compromis dans le Coup d’État, la Guerre Civile et la dictature franquiste. Il fallait en finir avec cette commémoration silencieuse mais quotidienne.
 Le dernier épisode est celui du rapport commandé par Carmena et élaboré très récemment par l’historien de la Complutense Antonio Ortiz qui prétend travailler sur ce sujet depuis 2004. Daté de février 2016, il a fait l’effet d’une bombe car Ortiz ne se contente pas de lister militaires et politiques mais évoque aussi les intellectuels, artistes et écrivains. 
 L’historien semble d’ores et déjà lâché par ses pairs de la Chaire de Mémoire Historique qui jugent maintenant que tout ceci est d'une stupidité sans nom (« disparate ») et que l’entité n’a signé aucun contrat avec Carmena (qui devait pourtant présenter les conclusions de la Complutense concernant le Plan Integral de Memoria de Madrid (dont devait faire partie la liste des noms de rues) le 22 février : La Chaire de Mémoire Historique du XXème siècle vient d’ailleurs de déclarer que les conditions ne sont plus du tout réunies pour conseiller une Municipalité incapable de comprendre que la recherche nécessite avant tout temps et sérénité. Quant à l’Université elle-même, elle semble mettre en suspens le futur de la Chaire qui ne dépend d’aucun département et qui est censée remettre des rapports commandés par des institutions et des administrations. Elle est encadrée par la Complutense, l’Association de la Memoria Social y Democrática, la Fondation Francisco Largo Caballero, la Fondation Primero de Mayo et CC OO.

 El general que mandó asesinar a Lorca

 
On trouve dans cette liste noire, des journalistes et artistes proches de José Antonio Primo de Rivera, le fondateur de la Phalange, des Catalans comme Josep Pla qui déclarait malgré tout dans les années 50 « La censura está insoportable. Tal vez sea el momento de irse de aquí. Este país es asfixiante. » ou Eugenio d’Ors dont les trois fils combattaient du côté franquiste et qui fut nommé « jefe nacional de Bellas Artes » et membre de la Real Academia Española.

Ai-je besoin d’évoquer Salvador Dalí, reçu le 16 juin 1956 au Palais du Pardo, très lié à la fille de Franco, Carmen ? On sait qu’il avait beaucoup souffert de l’assassinat de son ami intime de la Resi, Federico García Lorca, abattu et enterré dans une fosse commune en août 1936 mais ses sentiments étaient très ambivalents car il lui avait reproché à plusieurs reprises d’être rouge et pédéraste. Il était surtout très fasciné par la pompe et le faste : d’où son attachement au catholicisme apostolique romain et à toutes les manifestations de grandeur nationale (uniforme nazi, national catholicisme…). La guerre civile et ses déclarations politiques l’éloigneront à tout jamais de Luis Buñuel et du groupe surréaliste. Sans oublier les poètes : Gerardo Diego de la Génération de 27 (Lorca, Alberti, Cernuda) ou Manuel Machado, le frère de l’exilé Antonio.

Le cas de Manuel est intéressant car il est l’occasion de rappeler que la guerre civile fut en effet fratricide dans tous les sens du terme mais aussi parce qu’il fit partie de la commission qui changea le nom des rues de Madrid…  après la chute de la ville en 1939.

Mais la liste ne s’arrête pas là et évoque Manolete, le grand matador cordouan mort dans les arènes de Linares en 1947 et chanté par… Vanessa Paradis en 1987 !!! Et puis Santiago Bernabeú, le footballeur aux 200 buts et le président du Real entre 1943 et 1978, le stade de Chamartín inauguré en 1947 porte son nom depuis 1955.







Tout ceci est bien embarrassant, des voix de toute part s’élèvent pour réclamer mesure et bon sens. Manuela Carmena est désormais bien obligée de faire son petit pas en arrière, titillée par sa copine du PP Cristina Cifuentes qui lui demande de nettoyer les rues au lieu de les renommer. Esperanza Aguirre, avant de démissionner, a qualifié la liste de « sans pieds ni tête », Ciudadanos a condamné tout esprit de revanche idéologique qui conduit à diviser la société (en 2005, 73% des Espagnols déclaraient que hommages et réparations devaient inclure les victimes des deux camps). Il s’agit maintenant que soit élaboré un Plan de Memoria Histórica clair et consensuel, difficile quand on sait que le PP freine des quatre fers et que la gauche est divisée sur la méthode et les objectifs.




dimanche 25 septembre 2016

Un exposé "décalé": Lorca, mort, s'exprime...





Je m’appelle Federico García Lorca, j’ai 38 ans. Je suis né en 1898. Ah ! Et mort en 1936 car comme vous pouvez le voir : je suis le fantôme de Lorca. Mais je suppose que le but de votre visite n’est pas de voir un fantôme (quoique très intéressant) mais plutôt d’écouter mon histoire et mon lien avec l’histoire de l’Espagne la plus récente.

Évitons donc les biographies magistrales, le plus important est le moment où je rentre en Espagne, de retour des USA en 1930, à la fin de la dictature de Miguel Primo de Rivera et peu de temps avant la proclamation de la première République. Je suis dramaturge et poète mais je n’ai pas  été reconnu tout de suite… passons donc à l’instant de ma vie le plus intéressant : ma mort en 1936 au tout début de  la Guerre Civile. Je me souviens avoir quitté Madrid pour Grenade pour rejoindre ma famille et pensant me mettre à l’abri mais ce sera aussi mon dernier lieu de vie… c’est que Grenade n’a pas été la ville d’Andalousie la plus « ouverte d’esprit » si vous me suivez… Bref, arrivons au point crucial : ma mort, je suis fusillé en 1936 par des phalangistes, par des extrémistes de droite qui ne m’ont pas pardonné mon engagement en faveur de la République… parmi mes assassins il y a aussi des individus jaloux de la position et de la fortune de mes parents… sans oublier un défaut majeur… je suis pédéraste, imaginez dans l’Espagne des années 30... Je me souviens avoir dit : « Travailler et aider celui qui le mérite. Travailler même si l’on se dit parfois que c’est en vain. Travailler en manière de protestation ; parce que le premier mouvement serait de crier tous les jours en se réveillant dans un monde plein d’injustices et de misères de tout ordre : je proteste, je proteste, je proteste. »
Quoi qu’il en soit je suis donc  exécuté et jeté dans une fosse commune près de Viznar à quelques kilomètres de Grenade… je crois que c’était le 19 août 1936 mais je ne suis plus très sûr. On ne se réveille pas un matin en se disant que c’est le dernier jour de votre vie. Sauf pour le 21 décembre, vous avez eu peur hein ? Bref…
La trop longue dictature de Franco (1936-1975) a laissé place à la transition démocratique qui a mis en place la loi d’amnistie en 1977. Cette loi protège tous les auteurs de crimes contre l’humanité qui se sont déroulés lors de la guerre civile et de la dictature franquiste. C’est comme arracher une partie de l’histoire de l’Espagne, il ne s’est rien passé…c’est un choix qui s'est vu aussi chez vous avec Charles de Gaulle et la mise entre parenthèses de la question de la collaboration, vous savez le mythe résistancialiste : « On était « tous résistants » (ou pas !) eh bien en Espagne c’était un bond dans l’histoire « on passe sur ».  Même si certaines personnes passent outre cette loi de l’oubli et veulent défendre la Vérité comme le juge Garzon, cet homme condamné officieusement  pour non-respect des droits de l’homme envers des suspects (qui sont de vraies fripouilles mais bon quand on est juge, procéder à des écoutes illégales peut poser problème) mais officieusement parce qu’il était le chantre des condamnations de criminels d’État en Amérique Latine par exemple et qu’il avait voulu instruire le dossier des responsables du coup d’État de 1936, de la guerre et de la dictature : j’aurais pu être cité à comparaître si le Tribunal Suprême l’avait laissé aller jusqu’au bout. Malheureusement depuis 2012, Garzón ne peut plus exercer en Espagne, autant dire que c’est la mort d’une figure majeure de la lutte contre l’oubli et l’impunité.
La question des fosses communes est aussi un sujet brûlant, car il est nécessaire d’identifier les victimes des fusillades (« Ici on fusille comme on déboise » disait votre compatriote Antoine de Saint-Exupéry) par question de respect, mais cela irait à l’encontre de la loi de Amnistie, on ouvrirait les fosses en même temps que les vieilles blessures ce qui n’est pas une bonne chose selon certains notamment au Parti Populaire, le Parti au pouvoir actuellement en Espagne, cela raviverait les tensions encore  vives, ce que l’on a coutume d’appeler « Les Deux Espagnes ». De ce point de vue, mon histoire et ma mort se sont érigées en mythe et ce, dès 1936.
En effet je suis mort pour mes idées et donc pour mes écrits, ce qui fait de moi le martyr parfait, l’artiste mort pour ces convictions. Malgré tout, je n’ai jamais fait partie de ce que l’on appelle les « poètes engagés », ma poésie, mon théâtre, je les voulais universels et humanistes, jamais marqués par l’idéologie : aucune faucille ni aucun marteau dans mes œuvres ! Mais j’ai une question : pourquoi moi ? Pourquoi seulement moi et pas d’autres personnes ? D’où la question de l’origine et de la création des mythes (mythe de l’intelligence assassinée, Mythe de Madrid entré en résistance face aux totalitarismes) mais aussi du rôle que l’on m’a fait jouer lorsque l’Espagne commence à sortir d’une étape historique marquée par l’amnésie collective et que les Espagnols débattent du devoir de mémoire, un devoir affirmé avec la Loi de la Mémoire Historique (LMH) présentée en 2006 et votée en 2007, soit 70 ans après mon assassinat.
Donc, la Loi de la Mémoire Historique est en quelque sorte l’opposé de la loi d’Amnistie, elle prétend faire disparaitre tous les symboles du franquisme et juge le franquisme comme « illégitime et illégal ». Mais le vœu qui transparait dans cette loi est plus celui d’apaiser les tensions que de faire un texte le plus révolutionnaire possible (j’ai cru comprendre que les républicains catalans ne l’avaient pas votée car ils la considéraient comme trop timorée puisque la responsabilité de l’État n’était jamais évoquée) ah ! C’était pareil en France.

Mon histoire est un vrai feuilleton télé. Si l’on revient à mon cas, personne ne sais plus où je suis enterré précisément à Viznar. Coup de théâtre ! Il y aurait des nouvelles fraîches  je pourrais donc être identifié et inhumé « como Dios manda » mais… en fait  non, ma famille veut préserver mon image de martyr intellectuel mort pour ses idées et qui ne trouve pas de réel repos, la preuve je suis là ! Mais elle dit que c’est aussi pour me protéger de la potentielle exposition médiatique et commerciale. On me vendrait en petits bouts ! Non je plaisante. Mon cas est très polémique ici et le retour de ces questions sur la scène médiatique alimente le mythe et  permet aussi de ne pas oublier. Je suis déchiré entre réaliser le dernier vœu des membres de ma famille et celui d’être le nouveau « patrimoine de l’humanité » comme le dit Ian Gibson. Complexe comme situation vous ne trouvez pas ?
Avant de repartir, je voudrais juste terminer sur la notion du temps, c’est le temps qui fait et défait les mythes et c’est aussi lui qui fait évoluer les mentalités de manière positive ou non. Dans le cas de la mémoire historique vous pourrez peut-être dire que les politiques se moquent du monde car votre génération est habituée et veut la vérité mais ici ne n’est encore que très récent, et l’on sait que le changement fait peur. Il faut donc du temps. Mais il ne faut pas rester passif ! Et comme je l’ai dit « Lo más importante es vivir ». 

Ce texte avait été écrit et mis en scène par Chloé (Promo ECE 2013-2015) lors de notre séjour de travail en Andalousie.