El
Verdugo est un film de Luis García Berlanga sorti en 1963. C'est un film
italiano-espagnol relatant la vie d'un jeune homme qui, du jour au lendemain,
devient bourreau au service du régime franquiste. C'est un film à la fois
original et violent.
En Espagne, la
peine de mort a été abolie en 1978. Aussi, lorsque Franco était au pouvoir, le
métier de bourreau était toujours d'actualité. Cependant, et comme le dit le
personnage principal, la représentation du bourreau dans l'imaginaire
collectif ne correspond pas à l'apparence d'Amadeo, soit celle d'un petit
vieillard à l'air inoffensif. José Luis le dit clairement à son collègue :
« Si je ne savais pas qu'il était bourreau, je ne pourrais pas le
deviner ! ». Je pense que c'est là le message du film : un
bourreau n'est pas une personne violente, cagoulée, agressive, mais bien un
monsieur tout le monde. C'est une façon originale, donc,
d'aborder le sujet tabou qu'est la mort, dans un film parlant de l'un des
aspects du régime franquiste. Sur cette époque, on s'attendrait plutôt au récit
d'un résistant, finissant puni et condamné par l'injustice, liée au régime
franquiste.
Ici, le
réalisateur fait donc preuve d'originalité, mais de réalisme aussi. Tout au
long du film, Amadeo défend la profession de bourreau en expliquant qu'il
existe des lois, qu'elles doivent être appliquées et qu'ainsi, les infractions
doivent être sanctionnées. Le réalisme, et l'originalité proviennent également
du traitement du personnage de José Luis : en effet, il est un beau jeune
homme (joué par Nino Manfredi), piégé par ses sentiments et ses actions.
Il est attachant, et il est difficile de ne pas avoir pitié de lui. Pour ma
part, la scène m'ayant le plus marquée, comme je le crois la plupart des
spectateurs, est celle pendant laquelle José Luis tente de convaincre le
directeur de la prison qu'il est incapable de tuer, qu'il n'a aucune expérience
et qu'il vaut mieux faire appel à un autre que lui. Le personnage est
désespéré, terrorisé et sa cause semble perdue. Cette situation est
paradoxale : en effet, le spectateur a pitié du bourreau et non du
condamné.
Ce film est
donc très original, autant dans sa manière d'aborder le régime franquiste que
dans le traitement des personnages, ce qui permet d'avoir une vision plus
réaliste mais paradoxale de la situation présentée.
La force du
film réside dans sa capacité à représenter la mort, à en faire une entité
omniprésente et oppressante, voire violente. En effet, José Luis travaille au
début du film aux Pompes Funèbres, lorsqu'il rencontre Amadeo. La relation de
ces deux hommes est fondée sur leur rapport, bien que différent, à la mort.
L'un la provoque, l'autre la dissimule. Tout deux souffrent de l'image que leur
métier porte. La dernière réplique, dite par Amadeo, bouleverse et renverse la
vision du personnage : « Moi aussi, j'ai dit ça la première
fois ». Lui aussi a juré qu'il ne tuerait plus jamais. Amadeo a été José
Luis, Amedeo est le futur José Luis, José Luis est le passé d'Amadeo. Cette
révélation est violente, fatale et montre que le destin du jeune homme est
scellé. La violence du propos réside également dans la capacité du film à
suggérer les horreurs liées à la fin de la guerre et à l'affirmation de la
puissance de Franco. En effet, dans de nombreuses scènes extérieures, il est
possible de constater la présence des forces de l'ordre, symbole de la
surveillance et du contrôle. La mort n'est jamais montrée directement, mais
plutôt par des symboles : un cercueil, un outil de mise à mort (un
garrot), un corbillard, une prison et même Amadeo et José Luis (par leur
profession).
La scène
précédant l'exécution du condamné par José Luis est à la fois glaçante et
révélatrice du talent du réalisateur : le scène se déroule dans une pièce
rectangulaire blanche, avec comme seule issue, une porte au fond de la pièce. Le
condamné, accompagné d'un prêtre, avance sereinement vers cette porte. José
Luis, lui, est accompagné par les gardiens de la prison, et il lutte pour ne
pas s'approcher de cette même porte. La forme de la pièce et la porte
représentent le cheminement vers la mort des deux hommes. Cette scène amène
l'inévitable : le condamné va mourir, et le bourreau va tuer.
Ce film
révèle donc la violence de l'Espagne franquiste, tout en prenant le parti de la
suggérer plutôt que de la montrer, car l'imagination humaine est bien plus
puissante et effrayante que n'importe quels effets spéciaux.
Pour
conclure, je trouve ce film bouleversant, marquant et d'une brutalité plutôt
rare pour un film des années 60. C'est également un film présentant la triste
réalité de la période post-guerre civile en Espagne : les individus
cherchent à survivre et parfois, cela amène à tuer.
Anaïs LM (LS1)
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